Souvenirs de L'île aux singes

Souvenirs de L'île aux singes

Souvenirs de l'île aux singes, première partie

Le Manoir Poirier, édifice imposant dressé sur le sommet d'une colline dominant la ville côtière de Sainte-Marie, était le foyer de la famille Poirier. Le père, Charles, était un homme austère et sérieux, qui avait choisi une carrière dans la finance, tandis que la mère, Marianne, était une femme élégante et raffinée, obnubilée par la réussite sociale. Leur fils unique, Casimir, était d'une nature différente, épris d'aventure et de découvertes, animé par un désir irrépressible de partir explorer le monde. Il avait hérité de son grand-père Hyppolite, un vieil homme facétieux et excentrique, qui avait consacré sa vie à la recherche d'une île mystérieuse : l'île aux singes.

 

La famille Poirier

 

Le patriarche était une figure intrigante, à la fois fascinante et dérangeante. Ses yeux perçants semblaient transpercer les âmes et son sourire en coin laissait deviner un humour noir et cynique. Il passait des heures à fouiller dans les vieilles malles de cuir, au milieu de documents jaunis et de cartes érodées par le temps. Son obsession pour l'île aux singes était connue de tous. On avait peine à croire qu'il n'avait pas perdu la raison. On racontait que son grand-père lui-même avait exploré des terres inconnues dans des contrées lointaines et que cette passion pour l'aventure s'était transmise de génération en génération comme une maladie génétique incurable.

Quant à Casimir, il était à la fois étrange et séduisant, un jeune homme à l'allure altière, aux cheveux bruns ébouriffés et aux yeux clairs pétillants d'émotion. Il ne pouvait s'empêcher de rêver d'un monde où tout était possible, où les horizons s'étendaient à l'infini, où la frontière entre le réel et le fantastique serait poreuse. Il aimait s'immerger dans des histoires merveilleuses, des légendes oubliées, des contes fabuleux et il ne concevait pas la vie sans cette part de magie.

Enfin, le Manoir Poirier, avec ses hautes colonnes, ses fenêtres en ogive, son escalier majestueux et sa façade de pierre, était un joyau d'architecture, un symbole de richesse et de pouvoir. Les pièces étaient vastes et luxueuses avec des tapisseries murales, des plafonds voûtés et des cheminées monumentales. On pouvait s'y perdre tant il y avait de couloirs, d'antichambres et de salons. Chaque recoin semblait receler un secret. Malgré son faste et son opulence, le manoir Poirier était un lieu où l'angoisse et la tension étaient palpables, où les non-dits et les mensonges planaient comme un voile opaque. 

Sous le vernis fastueux de gloire passée se cachait une ambiance sinistre et étouffante. Le manoir semblait imprégné d'une aura de mystère et de malheur qui ne pouvait être dissimulée par la beauté de son architecture. Les murs en pierre brute semblaient transpirer une tristesse ancestrale qui oppressait le cœur de ceux qui y pénétraient. Les meubles anciens et majestueux, qui témoignaient de la richesse passée de la famille, semblaient hantés par des âmes perdues et tourmentées.

Quant à la famille Poirier, pour approfondir son sujet, elle était marquée par des secrets inavouables et des dissensions profondes. Charles était un homme hautain et froid, obsédé par la réussite financière et l'image de respectabilité qu'elle procurait. Il avait renié l'héritage familial, préférant s'investir dans le monde des affaires, au grand dam de son père Hyppolite.

Quant à celui-ci, il était devenu, avec le temps, un vieil homme solitaire, hanté par ses rêves d'aventure et de gloire. Il avait consacré sa vie à la recherche de l'île aux singes, persuadé de pouvoir y trouver un trésor inestimable. Son obsession l'avait éloigné de sa famille qui ne supportait plus ses délires et ses absences répétées.

Marianne, la mère de Casimir, était une femme effacée et soumise qui avait renoncé à ses rêves pour suivre son mari dans sa quête d’ego. Elle s'occupait des tâches domestiques avec zèle, mais son regard triste et résigné trahissait sa mélancolie profonde.

Casimir, passionné et rêveur, avait hérité de l'esprit d'aventure de son grand-père. Il avait grandi en écoutant les récits fantastiques de ce dernier en rêvant d'embarquer un jour sur un navire et de partir à la découverte de terres inconnues. Il était intelligent et cultivé mais sa soif d'aventure le poussait à rejeter l'existence morne et étouffante que ses parents lui avaient destinée. Il était convaincu que l'île aux singes existait réellement et qu'il était capable de la trouver. Pour cela, il devrait défier l'autorité de son père et affronter les dangers qui l'attendaient au-delà des limites du manoir et de sa petite ville de Sainte-Marie.

Les Poirier étaient une de ces familles marquées par les blessures du passé, les rêves inassouvis et les tensions refoulées. Leur imposant manoir dissimulait mal leur malheur, mais Casimir était déterminé à briser les chaînes qui les retenaient prisonniers et à partir à la recherche de son destin.

 

Un soir d’hiver, alors que le manoir était plongé dans une obscurité glaciale, ce qui renforçait l'atmosphère lourde qui régnait habituellement dans le grand salon, la famille s’était réunie dans un silence de plomb. On n’entendait que le crépitement des flammes dans la cheminée résonner en écho lorsque Charles se leva brusquement de son fauteuil et lança un regard furieux à son père.

« Je ne peux plus supporter ces divagations insensées, papa ! Tu as farci la tête de notre fils avec tes histoires de trésors et d'îles légendaires. Tu lui donnes de faux espoirs, tu le pousses à suivre des rêves impossibles ! »

Hyppolite, assis dans son fauteuil, leva les yeux au ciel avec mépris.

« Tu es bien dur, Charles. Tu n'as jamais compris ma passion pour l'aventure, pour les mystères cachés dans les coins les plus reculés du monde. Je ne force pas Casimir à me suivre. Il est libre de faire ce qu'il veut. S'il a choisi de poursuivre mes recherches, c'est parce qu'il en ressent l'appel au fond de lui ».

Marianne intervint, les sourcils froncés et la voix emplie de colère.

« Je suis d'accord avec Charles, Hyppolite. Tu mets des idées farfelues dans la tête de notre fils. Tu le pousses à risquer sa vie pour des chimères ».

« Et toi, Marianne, tu ne crois en rien, tu ne rêves de rien », répliqua Hyppolite. « Tu ne comprends pas la quête de l'inconnu, l'envie de découvrir ce qui est caché, l'appel de l'aventure ».

« Je ne crois pas en ce qui n’existe pas, c'est vrai», répondit Marianne. «Je préfère vivre dans le monde réel, avec des projets réalisables, des objectifs concrets, des choses vraies »

Hyppolite soupira avec mépris. « Vous êtes tous les deux des terre-à-terre, des gens sans imagination, sans ambition. Casimir a besoin d'un peu de fantaisie dans sa vie, d'un peu de poésie. S'il veut partir à la recherche de licornes, de l’île aux singes, du secret des pyramides ou de la cité perdue de Xanadu qui êtes-vous pour le juger ? ».

Charles serra les poings, son visage déformé par la rage. « Nous sommes ses parents, ce qui nous donne le droit et le devoir de le protéger. Toi, tu ne fais que le mettre en danger ».

Hyppolite se leva de son fauteuil, l'air offensé. « Je n'ai jamais mis en danger la vie de mon petit-fils. J'ai toujours été prudent, j'ai toujours pris toutes les précautions nécessaires. Si vous ne voulez pas l'aider dans ses recherches, c'est votre droit, mais ne l'empêchez pas de réaliser ses rêves ; Je n'ai moi-même jamais freiné les tiens mon fils ».

 

La tension était à son comble. Hyppolite quitta la pièce en claquant la porte, laissant la famille divisée et tendue. Casimir, qui avait assisté à la scène, en silence, était pris entre deux feux : d'un côté, son grand-père fantasque qui nourrissait ses rêves les plus fous, de l'autre, ses parents qui voulaient le protéger de ce qu'ils considéraient comme une folie dangereuse.

Casimir se sentait tiraillé entre ces deux mondes si différents. Son grand-père lui avait raconté des histoires fascinantes de trésors enfouis, de mondes perdus, d'îles lointaines et inconnues. Ces histoires avaient éveillé en lui une soif d'aventure, une envie de partir à la découverte du monde et de ses secrets les plus cachés. Ses parents ne voulaient que le protéger de ces rêves impossibles, de ces chimères qui risquaient de mettre sa vie en danger. Chacun lui voulait le meilleur.

Casimir ne savait plus quoi penser ni quoi faire. Devait-il suivre les traces de son grand-père et partir à la recherche de l'île aux singes, ou devait-il écouter ses parents et renoncer à cette quête dangereuse ? Il était partagé entre deux sentiments contradictoires : l'envie d'explorer des terres inconnues, de vivre des aventures incroyables, de rencontrer des peuples étranges et fascinants et la peur du néant, de l'échec ou même de la mort.

Pendant des jours et des nuits, Casimir réfléchit à sa situation. Il pesa le pour et le contre, examina tous les risques, tous les avantages et tous les inconvénients de sa quête. Il se rappela les histoires de son grand-père, les légendes et les mythes qui entouraient l'île aux singes. Il se souvint des cartes anciennes, des récits de voyages, des témoignages de marins. Il se dit qu'il devait suivre son instinct, qu'il devait suivre la voie tracée par son grand-père.

Un soir, il prit la décision de partir. Il réunit toutes les affaires dont il aurait besoin : un couteau, une boussole, une lampe à huile et des vivres pour plusieurs semaines. Il se rendit dans la chambre de son grand-père et emporta avec lui toutes les cartes, tous les documents, toutes les notes et les croquis relatifs à l'île aux singes, dont la carte du baron Toad. Il quitta le manoir en silence, sans dire un mot à ses parents qui dormaient alors paisiblement.

Il marcha toute la nuit à travers le bois sombre et la colline escarpée qui le séparaient de la ville. Il avait la tête pleine de rêves, de visions, d'images. Il se voyait déjà sur l'île, fouillant les ruines antiques, explorant les cavernes mystérieuses, découvrant les trésors cachés. Il se sentait libre, fort, invincible.

Au petit matin, il arriva au port. Il chercha un navire qui accepterait de le prendre à son bord, mais tous les marins qu'il aborda le prirent pour un fou. Ils ne croyaient pas en l'existence de son île et ne voulaient pas risquer leur vie pour une « chasse aux licornes » comme ils lui dirent, moqueurs. 

Casimir avait déjà tenté par le passé de rallier des soutiens auprès de gens de salons, de clubs et de bonnes sociétés. Hélas, il ne s'était attiré nulle autre chose que de viles remarques et de grands éclats de rire. Aucune banque et aucune assurance n'avaient accepté de financer son expédition, de lui confier un navire ou de l'aider à composer un équipage. Un si jeune homme, un si grand voyage, un si vieux rêve… Aucune certitude de résultats. Cependant, Casimir était déterminé à prouver que l'île aux singes existait bel et bien, malgré les doutes qui l'entouraient.

Casimir se sentit de plus en plus découragé, mais n’abandonna pas pour autant. Au bout de plusieurs heures d’acharnement et d’obstination, il rencontra un capitaine expérimenté qui s'apprêtait à partir en mer.

« Bonjour, monsieur », dit Casimir, timidement, en s'approchant du capitaine. « Je suis à la recherche d'un navire pour m'emmener à la recherche de l'île aux singes ».

Le capitaine, un homme rude au visage buriné, éclata de rire. « L'île aux singes ? Vous êtes fou ! Il n'y a pas d'île aux singes, aux babouins, aux gorilles ou aux musaraignes et même s'il y en avait une, je ne risquerais pas ma vie pour elle ».

Casimir sentit la colère monter en lui. Il était fatigué d'être constamment ridiculisé et méprisé. « Qu'à cela ne tienne », s'écria-t-il en levant la voix « je partirai seul ! Et point besoin d'un bateau lorsque l'on peut avoir un ballon ! Je traverserai l'Afrique par les airs, coupant au plus court au milieu des oiseaux et je prouverai que cette carte dit vrai ! Mon grand-père n'est pas fou et moi non plus ! Cette île existe et j'en ramènerai ses trésors de fruits et d'épices ».

Les autres marins et passants se retournèrent, intrigués par l'échange animé entre le jeune Casimir et le capitaine. Celui-ci ne sembla pas impressionné. « Bonne chance avec votre ballon, petit garçon », dit-il en riant, avant de tourner les talons et de se diriger vers son navire.

Casimir resta un temps seul sur le quai, le cœur battant, avant d’aller se poser sur une banquette dans un café du port. Se prenant la tête entre les mains, fixant la table devant lui, il se remémorait la matinée. Peut-être avaient-ils tous raison ? Peut-être que son grand-père était un vieux fou et lui-même plus encore d’avoir cru en toutes ses histoires ?

Un raclement de gorge le fit sursauter. Perdu dans ses pensées, notre jeune ami n’avait pas vu s’installer l’homme qui désormais lui faisait face de l’autre côté de la table. Ses cheveux châtain foncé, légèrement ondulés, encadraient un visage fin. Ses yeux marron, empreints d'une lueur d'intelligence, reflétaient à la fois la sagesse et le mystère.

Bien qu’assis, on pouvait lui deviner une haute stature. L’homme devait mesurer un peu plus de 5 pieds et 11 pouces, ce qui lui conférait une présence imposante malgré une silhouette svelte. Il était enveloppé dans un costume gris parfaitement taillé, d'un style sobre et raffiné.

Cependant, ce qui attirait le regard et ajoutait une touche de distinction à son visage était sa fine moustache soigneusement entretenue. Elle soulignait avec subtilité sa lèvre supérieure et ajoutait une note de charme à son apparence.

Il fixait Casimir en souriant.

« Seul et en ballon » dit-il l’air amusé.

Casimir compris que, comme bon nombre sur le port, l’individu avait entendu son échange avec le capitaine.

« Je ne suis pas d’humeur à souffrir vos moqueries monsieur » lâcha le jeune Poirier en se levant… Mais une main lourde s’abattit sur son épaule, le rasseyant de force.

Devant lui se tenait un autre homme, trapu, aux allures de docker, mais vêtu d'un complet élégant anthracite qui contrastait avec sa carrure imposante. Son chapeau melon, légèrement enfoncé sur sa tête, ajoutait une touche de mystère à sa silhouette. Son visage renfrogné était encadré par une barbe noire longue et épaisse qui accentuait son air sévère. Une moustache taillée en crocs de loup rehaussait son expression austère.

Ses yeux marron, profonds et perçants, semblaient transpercer Casimir. Il dégageait une aura sombre. Son regard intense fixait le jeune homme avec une détermination teintée d'une certaine méfiance.

« Je vous conseille, monsieur Poirier, de nous écouter attentivement » grogna-t-il.

Casimir Poirier resta bouche bée en entendant prononcer son nom…

« Veuillez excuser mon frère », reprit l’homme assis en face de Casimir. « Il est habituellement d’un tempérament plutôt jovial, mais il vient d’essuyer un voyage…Disons… Mouvementé ».

Continuant de sourire, il fixait le jeune homme qui affichait un air hébété. 

« Je me présente », continua-t-il en tendant une carte de visite, « je suis J et voici mon frère F … Pas besoin d’en savoir plus » continua-t-il devançant toute interrogation.

Casimir prit la carte et l’observa en détail « Comptoirs Imaginaires, thés et épices du bout du monde et au-delà. GFA »

2change de carte

Ces sigles et monogrammes ne lui semblaient pas inconnus, fouillant sa mémoire, il reçut comme un choc… Il avait vu les mêmes sur les cartes et carnets de son grand-père. Chaque fois qu’il l’avait interrogé sur le sujet, le vieil Hyppolite éludait les questions et se référait au simple nom de «l a compagnie » comme si tout était dit avec ce simple mot. 

« Bien », reprit J, « l’île aux singes en ballon donc ? Seul ? sans cartes, sans indication ? ».

« J’ai des cartes et des carnets, objecta Casimir, ceux de mon grand-père, ceux que lui avait remis le baron Toad ! ».

Son interlocuteur leva un sourcil mi-amusé mi-intrigué avant de demander :

« Le… Baron… Toad ? ».

« Euh oui… Répondit Casimir après un temps d’hésitation, un anglais, Toad…Crapaud, ça… Ça veut dire crapaud en anglais… Je… Je veux dire, ce n’est pas un crapaud, c’est son nom, enfin je crois, ce serait stupide de penser qu’un crapaud… ».

Une lueur malicieuse passa dans le regard de J qui sembla lancer à son frère un étrange sourire de connivence auquel ce dernier répondit d’un léger grognement.

« Oui… Stupide effectivement. Bref, trêve de palabres inutiles. Notre compagnie a eu vent de votre projet. Nous sommes prêts à couvrir les frais. Un de nos collaborateurs est en ce moment même en pleine discussion avec vos parents.  À l’heure qu’il est, ajouta-t-il en sortant de son veston une montre à gousset, il devrait avoir fini de les convaincre. Évidemment, ils seront persuadés que vous partez avec notre entreprise pour un voyage encadré des plus sérieux pour une année… ».

Le dénommé J continua ainsi de dérouler par le menu l’ensemble de son plan sans laisser au jeune Casimir Poirier l’occasion de dire mot. Quand il eut terminé, c’est un jeune homme hébété et plein de confusion qui quitta la table l’air hagard pour rentrer chez lui, laissant alors les deux frères seuls à table.

Le sourire qu’avait arboré J jusque-là s’effaça doucement.

« Il est bien jeune et frêle pour un tel périple » dit-il sombrement.

« Ni plus ni moins que d’autres », répondit F. « Puis, la compagnie soutient toujours l’un des siens ! ».

« Certes… Certes », sembla accepter J.

« Oh fait ! », continua son frère, « qui as-tu envoyé convaincre la famille ? ».

Le sourire de J revint sur son visage plus large que jamais: « Ce cher Lucius évidemment ! ».

« Lucius ? » s’étonna le frère avant d’éclater d’un rire tonitruant. « Voilà qui devrait rappeler de bon souvenir au vieil Hyppolite ».

Casimir arriva devant le manoir familial. Un fiacre flanqué du monogramme « CI » attendait devant la grille.

Alors que Casimir remontait l'allée, il croisa un homme étrange qui se tenait immobile, tel un gardien vigilant, à l'entrée du manoir familial. Grand et élancé, cet homme aux allures de majordome était vêtu d'une queue-de-pie noire et grise, d'une élégance à la fois classique et intemporelle. Sa tenue rappelait les livrées des grandes maisons de l'époque où le personnel de service se devait d'être impeccablement habillé.

La clarté du jour mettait en valeur les cheveux blonds de cet homme. Ils semblaient briller d'une lueur propre à l'acier. Ses yeux perçants, d'un bleu froid, scrutaient les alentours avec une attention minutieuse. Ils semblaient capables de lire au plus profond des âmes, décelant les secrets les mieux gardés.

Son visage impassible trahissait une détermination inébranlable tout en dégageant une étrange aura. Sa posture droite et rigide reflétait son souci du détail et son sens du devoir.

Casimir ressentit une légère appréhension en croisant le regard de cet homme. Son air impénétrable et sa présence imposante semblaient suggérer qu'il était bien plus qu'un simple majordome. Il éveillait en lui une curiosité mêlée d'une pointe d'inquiétude.

Sans un mot, l'homme inclina légèrement la tête en signe de salutation avant de reprendre son attitude immobile. Il invita Casimir pour l'escorter à l'intérieur du manoir, où de nouveaux mystères et révélations l'attendaient, puis parti en direction du fiacre.

Casimir sentit un frisson parcourir son échine alors qu'il franchissait le seuil du manoir, suivi de près par l'homme au regard froid. La prochaine étape de son aventure allait bientôt commencer et il se demandait ce que le destin avait encore en réserve pour lui.

 

Casimir entra dans la grande salle à manger du manoir où sa famille était déjà installée autour d'une longue table en bois poli. L'atmosphère était emplie d'un mélange d'excitation et d'anticipation. En prenant place, Casimir ne put s'empêcher de remarquer les sourires sincères sur les visages de chacun. Ce fut un contraste saisissant au regard des tensions et désaccords précédents qui avaient plombé leur discussion familiale.

Son père prit la parole en premier : « Mon cher Casimir, je dois dire que je suis vraiment impressionné par ta décision. Te lancer dans le commerce des épices avec une entreprise réputée et la perspective de voyager en Égypte et en Turquie - une telle opportunité de croissance et d'aventure ! Cela montre un niveau de maturité et d'ambition qui réchauffe mon cœur. De quoi assouvir ta soif de voyage, sans aller te perdre dans les divagations de ton grand-père ».

Le vieil Hyppolite ne releva ni les mots ni le ton grinçant de son fils, se contentant de sourire malicieusement.

Marianne, sa mère, assise gracieusement aux côtés de son mari, affichait un mélange de préoccupation et de compréhension. « Bien que je ne puisse nier mes inquiétudes pour ta sécurité, mon cher fils, je vois la sagesse dans ton choix. Cela satisfait ta soif d'exploration tout en poursuivant une profession respectable. C'est en effet un bon compromis ».

L’atmosphère était étrange. Casimir ne put s’empêcher de se demander si ses parents n’étaient pas sous l’emprise de quelques substances…

Alors qu’il arrivait au niveau de son grand-père, ce dernier lui tira discrètement la manche pour attirer son attention. Dans un sourire, il lui chuchota « Ce bon Lucius n’a pas changé… Le temps l’a épargné… Et ses talents semblent biens intacts, quel diable de majordome ».

Un éclat malicieux brilla dans les yeux du grand-père de Casimir alors qu'il s'adossait à sa chaise. « Ah, Hyppolite, le vieux renard », pensa Casimir. Il était clair que son grand-père voyait à travers la façade et savait autant voire bien plus que son petit-fils de quoi il retournait. Il joua le jeu, profitant de l'unité retrouvée de la famille.

« Bravo, mon garçon ! Tu as réussi à trouver un chemin qui satisfait tout le monde », s'exclama Hyppolite. Sa voix emplie d'une admiration sincère : « L'Égypte et la Turquie, tu dis ? Des destinations magnifiques pour un jeune homme en quête de connaissances et d'expériences du monde. Saisis cette opportunité, mon cher Casimir, et laisse-la te façonner en l'homme que tu es destiné à devenir ».

Casimir ne put s'empêcher de ressentir un mélange de gratitude et de culpabilité à l’idée de tromper ainsi sa famille. Cependant, il savait que c'était le seul moyen de réaliser son rêve. Il sourît en retour à son grand-père, appréciant son soutien et sa compréhension.

Au fur et à mesure que le dîner se poursuivait, la conversation se tourna vers la logistique du départ de Casimir et les préparatifs à faire. La famille discuta de tout, des arrangements de voyage aux types d'épices qu'il devrait étudier. Ils partagèrent des histoires et des recommandations avec enthousiasme, imaginant avec excitation les senteurs et les saveurs exotiques que Casimir découvrirait au cours de son voyage.

Malgré les secrets sous-jacents et les vérités exprimées, la soirée se déroula dans une atmosphère chaleureuse et joyeuse. Casimir ressentit un profond sentiment d'appartenance, chérissant ces moments passés avec sa famille. Leur soutien enfin trouvé lui donna la force de se lancer dans cette aventure, même si cela impliquait de les maintenir dans l'ignorance quant à la véritable nature de sa mission.

Peu importait qu'ils ne se doutaient pas que le monde au-delà de leur manoir douillet était rempli de dangers dissimulés et d'anciennes conspirations auxquelles Casimir serait bientôt confronté. Pour l'heure, entouré d'amour et d'acceptation, il savourait la douce amertume de ce moment, sachant que son départ changerait sûrement sa vie à jamais.

 

 

 

Casimir parviendra-t-il à réaliser son rêve et à atteindre l'île aux singes ? Pour être certains d'être parmi les premiers à le savoir, abonnez-vous à la Gazette des Explorateurs !

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